Bonjour Pascal, pouvez-vous vous présentez brièvement à nos lecteurs, pour qu'ils en sachent plus sur vous ?
Je vis dans une petite ville pas très loin de Saint-Etienne et je crois que mon amour de l'écriture commença avec " La Nouvelle Justine " de Sade, livre que je conseille à tout le monde, non pour le côté sexe, mais pour cette philosophie de vie qu'a Sade, c'est à dire que ni la religion, ni la société ne doivent être des freins moraux à nos idéaux, doivent-ils être contraire à ce que le " bon peuple " pense. Après ça j'ai commencé à écrire des poèmes à 17 piges, mais c'était plus pour évacuer une certaine trouble adolescence, mais cela fait trois ans environ que je bosse à plein temps sur l'écriture.
Vous avez déjà publié deux recueils de poésie : " Les maux d'Amour " et " L'amour-Eux " : est-ce que vous pouvez nous révéler de quoi relèvent vos poèmes dans ces deux recueils ?
C'est cette même jeunesse dont je parlais plus haut qui se reflète dans ces textes. Incompréhension d'une société ou la guerre ou l'apparence sont les obsessions des malsains que je ne comprends pas. Alors, forcément, quand on voit ces gosses crever ici et là, quand on voit les politiciens promettre sans ternir et se ternir, on se dit qu'il y a un truc qui cloche. Ce truc, c'est Eux. Nous, tout ce qu'on voudrait, c'est une fille super chouette et super jolie, et qui vous tiendrait la main pour un bout de temps. Des fois ça arrive et des fois pas. Alors ça parle de ça aussi, de cette solitude qui nous ronge de l'intérieur, de ces rêves d'amour qu'on voudrait toucher, qu'on envie en regardant les autres s'embrasser. Bref, l'adolescence en plein dedans. L'adolescence si chère à mon c--ur car c'est la transition finale et fatale de l'humain. Si l'ado est con, il fera un adulte con. C'est pour ça qu'il est important de ne pas les prendre de haut, de ne pas oublier que les grands ont été comme eux, et qu'il faut leur montrer l'exemple plutôt que de lui acheter des cds de il ou elle ou eux et de les envoyer dans leur chambre pour pas qu'il vous " emmerde " le reste de la soirée alors qu'en fait ils ne désirent qu'une main tendue… C'est tout ça, tout ce que mon c--ur a récolté que j'ai fait passer dans ces textes, cette ironique et tragique société, ces rêves qui crèvent… alors bon, " Les Maux d'Amour ", le titre résume bien tout ça, mais avec le recul certains textes sont encore jeunes, pas assez aboutis, comme un premier jet… tandis que " L'amour-eux ", c'est vraiment parfait… il y a dedans cette nouvelle, la nouvelle Justine -justement - et qui parle de tout ça, qui résume bien tout, cet ado qui voit cette fille terrible qu'il sent aussi seule et isolée des gens que lui, et qui pour sûr, il rendrait heureux si seulement il osait lui parler…
Passons à " Il e(s)t Elle " : vous y décrivez une jeunesse pour le moins perdue, se cherchant de manière sensuelle & érotique, mêlant aussi noirceur et amour (sans tabou) : est-ce que vous ressentez la jeunesse actuelle de cette façon-là ?
C'est pas facile à dire. Je cause avec pas mal de " jeunes " mais " pas mal " ne fais pas un tout. Alors si je me base sur ce " pas mal " je répondrai oui. Oui ils sont perdus sans l'être. Car la jeunesse comprend ce qu'il se passe autour d'elle. Beaucoup plus informée que jamais et donc ouverte plus encline d'esprit et d'âme, et pourtant et pourtant… il manque toujours quelque chose ou plutôt quelqu'un, cet il ou elle… Le truc, c'est qu'aujourd'hui l'image, la starification de tout a pris une telle place que chacun se dit qu'il suffit de passer a la télé deux trois fois pour " être quelqu'un " alors que c'est tout le contraire. La télé-réalité à flinguer tous les rêves. Parce qu'au lieu d'être quelqu'un, on est personne. Pour moi, être quelqu'un c'est s'être battu pour ci ou ça, c'est avoir suer, donner de son c--ur, de son âme… parce que, quoi, passer à la télé, qui n'en est pas capable ? Mais créer la magie du bout de ses doigts, c'est pas pareil… et c'est ça être quelqu'un, c'est créer, de l'art, une maison, ou une famille… c'est être dans le vrai, pas n'être qu'une vulgaire et fausse image fabriquée par les marionnettistes qui veulent juste se payer un bateau de plus. Alors on vend du rêve télé, et certains jeunes qui sont seuls (abandonnés par les parents absents ? eux aussi noyés ?) y croient, car on a tous besoin de se dire qu'on existe pas en vain… C'est comme Internet, tout ça nous rapproche mais au fond, derrière son pc, quand on lui parle à l'autre, on est seul… quand on se couche, on est seul… c'est étrange comme sentiment, se dire que cette solitude est partagée par des tas et des tas de personnes et qu'elle forme un tout qui se dissipera une fois le pc éteint… Bon, en même temps c'est pas toute la jeunesse qui est ainsi, mais c'est elle qui me touche, car j'ai été comme ça, alors j'espère, je pense parler de ce que je sais… Parler des fleurs et des dauphins dans les océans je saurais pas faire. Non les jeunes ne sont pas perdus, juste un peu égarés dans tout ce foutu bordel, attendant que quelqu'un leur tende la main…
Vos poèmes saisissent de suite les lecteurs, nous interpellent et parfois nous poussent à nous identifier à vos héros/héroïnes. Avez-vous toujours, en vous, une âme de poète bohémien, qui veut garder sa jeunesse à jamais tout en étant dans un corps d'adulte ? Comme un peu un Peter Pan poétique ?
Non, le truc c'est pas de garder sa jeunesse… il faut savoir vieillir…c'est la vie, la nature, faut accepter ça parce que c'est beau. Non, faut juste ne pas oublier d'où l'on vient, ce qu'on a vécu… Quand on est ado, on reçoit tellement d'infos et d'émotions d'un coup que c'est vachement brutal. On emmagasine tout et parfois on a du mal à faire le tri. Mais c'est le jeu. On s'éveille et tout quoi. On forme notre pensée par rapport à ce fichu monde. Normal. Par contre, ce qui ne l'est pas, c'est lorsqu'on grandit, c'est qu'on oublie tout ça, toutes nos émotions si belles, nos premiers émois, nos premières fois avec lui ou elle. Bref, on devient un gros nase et on s'en rend même pas compte. Alors je me dis que ça serait bien si j'essayais d'éviter ça.
Dans la troisième et dernière section de " Il e(s)t Elle ", intitulée : Ils sont fusionnels : vous racontez l'histoire de Sarah, qui fuit un amour et sa vie d'adolescente pour la gloire et les strass qui lui seront fatals…dans la partie " prose ", et d'autre part, vous 'illustrez' la partie dite en prose par des vers poétiques : pourquoi avoir choisi de séparer les deux procédés d'écriture ? pourquoi n'avoir pas choisi de continuer les vers comme dans les deux premières parties ? est-ce que vous vouliez faire une césure d'avec celles-ci ?
J'avais d'abord écrit les poèmes. Mais un poème, il y a ce que toi tu y mets, et ce que l'autre y lit, ressens. Et la plupart du temps c'est différent. C'est comme une private joke en somme. Si t'es pas dans le coup, tu piges pas. Et moi, je voulais que les gens pigent. Parce que Héroïne me touche beaucoup trop pour laisser le hasard ou la vision différente faire sa loi. Je voulais qu'on sache bien ou j'allais, et que quand Sarah se prostitue pour la gloire, que ce soit bien clair, évident. Pas d'images toutes belles pour enjoliver le truc. Non, elle couche, elle écarte les jambes pour le strass et les paillettes. C'est le décodage des poèmes.
Une dernière question avant de clôturer cette interview : nous retrouvons dans vos titres de poèmes ou à l'intérieur des titres semblables à ceux de chansons d'Indochine. Par exemple, votre recueil s'ouvre par " Coma toi, Coma en toi ", qui rappelle sans hésiter : Coma, coma, coma sur l'album Wax, " Indogirl " (…); ou encore des thématiques propres au groupe telles l'ambiguïté sexuelle ; ou les noms des héroïnes : " Trois Justine ", la référence à Alice&June…
Est-ce que vous vous inspirez du groupe ? qu'est-ce qui vous attire chez Indochine ? Peut-on considérer que des poèmes comme " Indogirl ", " Indoboy " soient des hymnes au groupe ?
Non, ce ne sont pas des hymnes aux groupes, mais à ceux, comme moi qui aime leur univers. J'ai découvert Indochine avec Kissing my Song. Pas avec wax, avec Unita, le best of. Je connaissais bien sûr les succès des années 80 mais bon sang, rien que la pochette, où on voit ce bout de visage, un peu rebelle un peu garçon manqué… y'a tout une attitude de révolte contre le conformisme qui veut qu'une fille soit en jupe élégante maquillée et tout. Je crois que cette pochette à fait énormément dans mon amour du groupe. Y'a toute une symbolique qui vous touche de plein fouet, surtout quand vous êtes ado. C'est ce que je disais, vous voyez le monde et vous vous dites que personne ne vous comprend, et là paf, la photo, première claque, on sort des pochettes pourries, et deuxième claque, Kissing my song, si chargée de puissance, d'émotion, un peu sexe et tellement sexy. Combien ai-je pu écouter cette chanson seul dans le noir dans ma chambre. Après autant Indoboy et Indogirl sont un hommage aux fans, c'est aussi et surtout un texte pour tout ceux qui se sentent différent de la " normale ", qui veulent plus beaucoup plus qu'on ne leur donne. Un monde meilleur dont l'échappée se prend par Indochine. C'est la solitude d'une âme qui rencontre le rêve d'un mieux par la musique. Coma, c'est plus le côté entre la vie et la mort, cette imagerie romantique qui fait que tu es en équilibre précaire sur la corde raide et que toi seul décidera si tu veux tomber ou marcher encore un peu. Se battre, toujours se battre contre ceux qui ne veulent pas, qui vous poussent dans le vide… Quant à " Trois Justine " c'est un hommage à Sade que je " vénère " tout comme Salinger et Mac Cullers. Justine cette fille si seule et si positive jusqu'au bout, et qui n'aura que du malheur. Là aussi, on ferme les yeux et on a cette image romantique et tragique de la fille qui voulait tant, qui pouvait… qui n'a pas pu… cette fille qui rêvait d'amour et de bonheur et qui n'a récolté que la laideur et le malheur… Après bien sûr, cette première partie à des influences indochinoise, dans les thématiques, comme dans l'écriture, c'est plus qu'évident. C'est pour cela que j'ai tenu à mettre d'autres poèmes dans les autres parties, pour bien montrer que j'ai diverses cordes à mon arc, et que l'amour porté à un groupe ne signifie pas exclusivité. Différents voyages, différents chemins, voilà ce que j'ai essayé d'amener dans Il e(s)t Elle.
Merci d'avoir accepté de répondre à mes questions.
Elodie.